III - La naissance du Jazz : le "NEW ORLEANS" | |
A
la fin du siècle dernier, il régnait à la Nouvelle Orléans, ville portuaire
et sous protectorat Français jusqu'en 1803, un climat moins puritain que
dans le reste des Etats-Unis. Un quartier, STORYVILLE, était réservé aux
lieux de plaisir. Dans cette ambiance joyeuse, la musique était à tous
les coins de rues. Les Musiciens noirs s'emparèrent des instruments à
vent délaissés après la guerre de sécession et créèrent de la fanfare
qui accompagnaient les enterrements, mais qui avaient aussi pour vocation
de distraire.
Ils adaptèrent pour les vents les Blues, Spirituals, Rags. Les percussions africaines, qui avaient survécues à la Nouvelle Orléans, se joignirent aux fanfares. Des Petits orchestres composés d'un cornettiste, d'un clarinettiste, d'un tromboniste, d'un banjoïste et d'un batteur (les divers instruments de percussion ayant été rassemblés en un seul instrument : la batterie) commencèrent à se former. Le tout début du XX° siècle vit apparaître le Jazz New-Orléans. Le NEW ORLEANS est avant tout une musique polyphonique: les 3 instruments à vent de l'orchestre deviennent simultanément des lignes qui suivent une certaine logique: ainsi, le cornet a pour rôle de faire entendre le thème du morceau, la clarinette crée, dans les aigues, des effets qui vont enrichir la mélodie et le trombone s'attache à faire entendre les accords dans les graves. L' improvisation collective joue un grand rôle dans l' élaboration de cette musique. |
IV - La diffusion du JAZZ sur tout le territoire des U.S.A. | |||
1-
CHICAGO :
Dans les années 20, la population noire des états du Sud émigra, pour des raisons économiques, vers les grandes villes du Nord. Les musiciens suivirent ce mouvement et beaucoup s' installèrent à CHICAGO, où ils participèrent aux premiers enregistrements de JAZZ.
L'un des surnoms de Louis AMSTRONG était "SATCHMO" ("satchel Mouth" : bouche en forme de bourse). Les musiciens de Jazz ont souvent recouru à l'usage des surnoms ; cette pratique remonte à l'époque de l'abolition de l'esclavage où les noirs, nouvellement affranchis, refusèrent de continuer de porter les noms de leurs anciens maîtres. 2- LES CHICAGOANS : Les musiciens blancs de la région de Chicago ne restèrent pas insensibles au New-Orléans, certains d'entre eux décidèrent d'adopter définitivement cette musique. Issus pour la plupart de familles aisées, ils avaient suivis une formation musicale classique. Ceci se ressent dans le style chicagoan qui inclut des parties arrangées ( écrites). Quant à savoir si l'affirmation souvent énoncée : " le Jazz est une musique que seuls les noirs sont capables d' interpréter " est fondée, l'exemple des chicagoans, qui se sont totalement investis dans cette musique, semble prouver le contraire. Se
référer à : 3- NEW-YORK - "le piano stride": A la même époque, dans les années 20, apparaît à NEW-YORK Harlem, un style pianistique hérité du Ragtime, mais qui, cette fois, recourt à l'improvisation : ce style est appelé "piano stride". L' un des inventeurs de ce style est JAMES P. JOHNSON. FATS WALLER est, lui aussi, une figure marquante de ce genre musical. Sa facilité à composer des chansons était déconcertante ( on en dénombre 450). Ainsi, un soir qu'il était dans une fête, passe-temps qu'il affectionnait particulièrement, son parolier lui téléphona afin qu'il lui rappelle certaines parties d' une chanson. FATS l' avait oubliée : il lui dicta alors un morceau qu'il venait d' inventer sur l' instant; " Honeysuckle Rose ", qui sera repris par de nombreux musiciens, venait de voir le jour.
Se référer à :
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V - Le Mainstream - le "SWING" | ||||||
Après le Crash de Wall street, qui entraîna l'Amérique dans une crise profonde, il fallait montrer que les USA étaient encore un pays riche et puissant. L'industrie du spectacle qui se développa à cette époque, put donner l'illusion de cette richesse. De grands clubs naquirent dans ce contexte, on pouvait y voir des spectacles de danse accompagnées par des orchestres de JAZZ. La dimension des salles conduisit à augmenter la taille des ensembles afin qu'ils conservent une certaine puissance sonore. Le JAZZ de cette période, qui s'étend jusqu'au Be Bop, conçu pour la danse, et qui n'a pas encore la prétention de révolutionner la musique, est appelé Mainstream ou Middle Jazz ou Jazz Classique.
L'ensemble AABA forme un structure complète de 32 mesures que l'on appelle grille. Les orchestres utilisent ces chansons sans nécessairement recourir à la voix. Dès le début du morceau, une première grille est jouée, mettant en valeur la mélodie et la suite d'accords ; l'arrangeur aura pour tache de faire " sonner " l'orchestre en respectant ces contraintes. Ensuite, la place est laissée au soliste qui doit , sur un certain nombre de passages de la même grille et accompagnée en général par la seule section rythmique ( piano, guitare, contrebasse qui remplacera le tuba, batterie), faire montre de ses talents d'improvisateur. Il fondera son discours sur la base de la suite d'accords du morceau, par contre, la mélodie initiale n'est plus présente dans son jeu.
Se
référer aux disques : On peut noter dans cet extrait que les deuxième et quatrième temps sont toujours accentués (cette caractéristique va ensuite disparaître). On peut aussi remarquer que le saxophone est désormais un des instruments essentiels de la musique de JAZZ ; il était rarement présent dans le style New-Orléans.
D'autre part, le saxophoniste BENNY CARTER pratique dans ce morceau un
genre vocal qui sera souvent repris par les chanteurs de JAZZ et notamment
par ELLA FITZGERALD : le SCAT.
COLEMAN HAWKINS (sax.ténor): "Body and Soul" 1939 Le soliste faisant une partie de la réputation d'un Big Band, le chef d'orchestre essayait de recruter des " pointures " ; assurément, C.HAWKINS en était une. F. HENDERSON engagea " The Bean " (le haricot) dans son orchestre. C. HAWKINS était réputé pour sa grande science harmonique sur laquelle il basait ses improvisations. DUKE
ELLINGTON Orch.: " Solitude " 1940 The DUKE, l'un des génies de cette musique, avait dans son orchestre une pléiade de grands musiciens ; il composait un morceau en pensant au style du soliste auquel il était destiné. Dans cet extrait qui est une ballade (morceau à temps lent), on peut admirer la grande expressivité du saxophoniste alto Johnny HODGES. Jimmie LUNCEFORD Orch. : " Breakfast ball " 1934 Count BASIE Orch.: "Flute Juice" 1957 COUNT BASIE, dont l'orchestre était d'une précision rythmique extraordinaire, était originaire de Kansas City ; c'est dans cette ville qu'ont été imaginés les courts motifs mélodiques souvent répétés dans un même morceau : les riffs. Dans cet extrait, on peut s'apercevoir que les 2ème et 4ème temps ne sont plus accentués. Tous les temps sont égaux.
C. BASIE a lui aussi engagé des musiciens une grande envergure ; LESTER
YOUNG fut un des plus grands saxophonistes ténor, il a influencé une multitude
de " souffleurs ". Par rapport au jeu de C.HAWKINS ; " The President "
s'intéresse plus à l'aspect mélodique qu'à l'aspect harmonique et le son
est dénué de vibrato.
LESTER
YOUNG avec Teddy Wilson (p).
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VI - Quelques grandes personalités du MIDDLE-JAZZ | ||||||
Citons Lucien MALSON et Christian BELLEST traitant du cas d'E. FITZGERALD " le Jazz " : "…son timbre clair, son goût pour les virevoltes, les pirouettements, tout en vivacité, en gaieté, son art consommé des vocalises, tout l'oppose à Lady Day", sans oublier cette sage raison qui finit toujours par s'imposer, cette santé terrienne qui éclate dans le chant". Alain GERBER dit avec justesse : "Ella, c'est la terre, Billy, c'est le feu". |
VII - Le JAZZ en France | |
Dès les années 20, le JAZZ commence à s'exporter. Ainsi, SYDNEY BECHET fait une première tournée en Europe en 1919. On le verra à Paris, sur la scène du théâtre des Champs Elysées en 1924 aux cotés de Joséphine BAKER dans la "Revue Nègre". Ces tournées de plus en plus nombreuses des musiciens Noirs américains dans la capitale française et l'apparition du disque permit d'initier les musiciens français au JAZZ. Pour certains, ce fut la révélation : " Dès que j'ai pu en entendre, j'ai compris que c'était vraiment ma musique et que le Jazz, il semblait qu'on l'avait inventé exprès pour moi ". (Stéphane GRAPPELLI). A la fin des années 20, S. GRAPPELLI était un poly instrumentiste de grand talent (piano, saxophone, violon) employé par les orchestres de danse. En 1934, S. GRAPPELLI eut l'occasion de jouer dans le même orchestre que le guitariste manouche DJANGO REINHARDT. Pendant les pauses, les deux amis prirent l'habitude d'improviser en coulisse sur des thèmes de JAZZ. GRAPELLI utilisait alors l'instrument sur lequel il deviendrait célèbre : le violon.
Ces échanges musicaux informels entre les deus grands musiciens annonçaient la formation d'un orchestre mythique : le Quintet du Hot Club de France. Ainsi, des musiciens européens allaient à leur tour, marquer de leur empreinte la musique de JAZZ. Se
référer aux disques :
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VIII - Conclusion | |
De ses origines au Be Bop, le JAZZ a connu de perpétuels changements; il ne s'est pas passé une décennie sans qu'un nouveau style, de grands musiciens apparaissent. Jusqu'aux années 70, ce phénomène a perduré. Depuis, il semble que la marche en avant soit bien moins perceptible. Alors qu'il est la forme artistique la plus originale que nous ait légué le Continent Nord-Américain, alors qu'il est devenu un langage universel entré dans les Conservatoires, le JAZZ serait-il mort ?
Quel génie le fera renaître de ses cendres ...
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